La Chine, futur numéro 1 mondial du nucléaire

La Chine, futur numéro 1 mondial du nucléaire

Le réacteur de Taishan 2, situé dans le sud du pays, a démarré fin mai 2019. L’installation, la deuxième de type « EPR » en Chine, doit notamment servir à verdir le mix électrique national, encore trop dépendant du charbon.

Dépassée, l’énergie nucléaire ? Il semblerait que non, contrairement aux Cassandre qui souhaiteraient enterrer l’atome, au profit des renouvelables surtout. Voici ce qu’estime, dans son premier rapport sur le sujet en 20 ans, l’Agence internationale de l’énergie (AIE). « Le développement de l’énergie électrique propre doit être trois fois plus rapide qu’il ne l’est aujourd’hui si l’on veut avoir une trajectoire conforme aux objectifs de développement durable », affirment les experts dans leur rapport. Et pour ce faire, impossible de se passer du nucléaire, selon eux, dont la production doit « augmenter de 80 % d’ici 2040 ». Logique, puisque les énergies vertes, entre le solaire, l’hydraulique et l’éolien, restent soumises aux conditions climatiques, par définition changeantes. Les capacités de stockage n’étant d’ailleurs pas encore tout à fait au point.

Si les Etats-Unis et la France, numéros 1 et 2 mondiaux du nucléaire (99 et 58 réacteurs respectivement), ont de facto peu de marge de progression, l’AIE indique que c’est dorénavant sur la Chine que l’atome peut compter. L’actuel numéro 3 mondial du secteur, avec 46 réacteurs, est à la tâche, puisque 11 nouveaux réacteurs (soit 20 % des projets mondiaux !), sont actuellement en construction dans le pays. Il y a quelques semaines, on apprenait ainsi que le réacteur EPR (« réacteur à eau pressurisée ») de Taishan 2, situé dans le sud de la Chine, avait démarré. « La réaction nucléaire a été autorisée et hier [mardi 28 mai, ndlr] le réacteur chinois a divergé pour la première fois » – la divergence nucléaire signifie le début de la réaction en chaîne de fission –, a effectivement indiqué Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF, qui copilote le projet.

L’occasion, également, de rappeler que le réacteur de Taishan 1, démarré quant à lui en 2018, « fonctionne très bien ». Il était, jusqu’à présent, le seul réacteur dit « de nouvelle génération » au monde à avoir « divergé ». Egalement appelé « réacteur de troisième génération », l’EPR, fruit d’un partenariat franco-allemand lancé dans les années 90, doit faire évoluer de manière significative le petit monde de l’atome. Dans l’Hexagone notamment, qui devrait en compter un à Flamanville (Manche) d’ici quelques années. « Avec une espérance de vie minimale de 60 ans (contre 40 pour les réacteurs déjà en service), une puissance de 1 600 mégawatts contre 1 450 mégawatts pour les derniers réacteurs construits en France et une énergie qui reste très peu carbonée, l’EPR dispose d’atouts indéniables »notait le média L’Energeek en mai dernier.

« Un acteur majeur sur tous les segments de la filière nucléaire »

Parmi ceux-là, l’aspect sécuritaire est évidemment à mettre en avant. Selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), chargé de ce secteur sensible en France, l’EPR est ainsi « le premier […] à bénéficier des enseignements tirés des accidents nucléaires de Three Miles Island, aux Etats-Unis, et de Tchernobyl, en Ukraine ». Quant à la dernière catastrophe nucléaire en date – en réalité davantage « naturelle » que liée à l’atome –, celle de Fukushima en 2011, Anne Lauvergeon, ancienne directrice d’Areva (aujourd’hui Orano), estimait à l’époque que « s’il y avait des EPR à Fukushima, il n’y aurait pas de fuites possibles dans l’environnement, quelle que soit la situation ». Pas étonnant, quand on sait que ces installations ont été conçues et construites pour résister… à un crash d’avion.

Mais Pékin compte surtout s’appuyer sur la technologie EPR pour « verdir » son mix électrique, encore trop dépendant du charbon, l’une des sources électriques les plus polluantes de la planète, responsable en grande partie des émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, la houille représente environ 67 % de la production électrique chinoise, tandis que le nucléaire ne pèse que 4 % – l’hydraulique 17 %, l’éolien 5 % et le solaire reste marginal. En revanche, « la Chine a multiplié par 10 le nombre de centrales nucléaires en fonctionnement par rapport à l’an 2000. Elle est le pays qui a la progression de l’énergie nucléaire la plus rapide au monde », rappelle le Forum nucléaire, site de référence belge. Les 38 réacteurs nucléaires que comptait le territoire chinois début 2018 représentaient ainsi une capacité de production installée de 35 820 MW. Et en 2017, leur rendement a gagné 16,5 % par rapport à l’année d’avant.

Pékin, qui a clairement entamé sa transition énergétique – d’ici 2030, 50 % de la production d’électricité devra être assurée par des énergies décarbonées, contre 29 % en 2017 –, est également « devenue un acteur majeur sur tous les segments de la filière nucléaire à l’échelle internationale », rappelle le site belge. De la conception à la construction, en passant par l’exploitation. Une bonne nouvelle, pour Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE, qui affirmait au Figaro, fin mai 2019, avoir « résolument placé les énergies décarbonées parmi nos priorités ». Comprendre : pour lutter contre l’utilisation encore récurrente du charbon. Et la Chine, futur numéro 1 mondial de l’atome – une fois que les Etats-Unis auront fermé, comme prévu, quelques installations d’ici quelques années –, a une carte à jouer. « Dans 7 ans seulement, [elle] sera la première puissance nucléaire » selon lui.

 

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