Chantier de construction du mégaport de Chancay, Pérou, 12 novembre 2024. /CFP

Le Chili a déposé une demande en juin 2024 pour rejoindre le Partenariat économique régional global (RCEP), aux côtés du Sri Lanka et de la Région administrative spéciale de Hong Kong. L’Inde reconsidère également la possibilité de devenir membre. Le RCEP est le plus grand accord de libre-échange au monde, fruit de négociations ardues menées par l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est pendant huit ans.

L’aspiration du Chili à rejoindre le régime de libre-échange est la première dans le Pacifique Est. Le RCEP s’est jusqu’à présent concentré sur la dynamique commerciale en Asie du Nord et du Sud-Est. Avec l’adhésion du Chili, si elle a lieu, le régime commercial commencera à prendre une teinte totalement différente. Si l’Inde et le Sri Lanka en deviennent membres, l’accord de libre-échange s’étendra sur les océans Pacifique et Indien.

La liaison commerciale Asie-Pacifique Est va bientôt connaître un essor significatif avec l’ouverture du mégaport de Chancay au Pérou. Le projet est détenu à 60 pour cent par la société chinoise COSCO Shipping et constitue la première installation portuaire commerciale majeure sur la côte ouest du continent sud-américain. Il permettra aux échanges commerciaux entre l’Amérique du Sud et l’Asie d’avoir lieu directement, sans transiter par le Mexique ou les États-Unis. Il devrait réduire de 15 jours le délai d’expédition entre le Brésil et la Chine.

Ces dynamiques ouvrent un nouveau chapitre dans l’interconnectivité mondiale, à un moment où les États-Unis – le principal architecte du système commercial multilatéral mondial en vigueur, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – continuent de s’éloigner de leur engagement commercial mondial. La première administration de Donald Trump a refusé de ratifier la nomination de nouveaux juges à l’organe d’appel de l’OMC, rendant impossible une résolution formelle des différends. Entre-temps, les pays ont créé des solutions de contournement informelles ou ad hoc, mais l’arriéré des différends commerciaux à l’OMC a continué de croître. Trump, et l’administration ultérieure de Joe Biden, ont poursuivi des politiques de plus en plus protectionnistes dans le domaine commercial, utilisant les sanctions, les interdictions d’exportation et les droits de douane comme extensions d’une soi-disant stratégie de sécurité nationale.

L’administration Biden a cherché à développer une politique à l’égard de l’Asie du Sud-Est visant à rajeunir le statut et l’influence de l’Amérique dans la région. Il a été ridiculisé comme étant timide et peu impressionnant, incapable de répondre aux besoins et aux attentes des pays de la région. L’une des pierres angulaires était de renforcer les échanges commerciaux, mais sans permettre un meilleur accès au marché nord-américain, la proposition sur le commerce est tombée à plat. Le Congrès américain n’était pas d’humeur à permettre aux producteurs d’Asie du Sud-Est à bas prix d’accéder à son marché, et Biden n’avait pas l’appétit politique pour s’attaquer à cette question. Trump a retiré les États-Unis du Partenariat transpacifique (TPP) et Biden n’a pas rejoint le successeur du TPP, l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP). La République populaire de Chine a soumis une demande d’adhésion au CPTPP, qui reste en suspens.

La réunion des dirigeants de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) s’est déroulée dans ce contexte. À l’heure où les pays du Sud recherchent des opportunités commerciales et d’interconnectivité élargies, les États-Unis sont plus à la traîne qu’à la pointe. Parfois, elle a mené des politiques qui ont activement compromis le fonctionnement du système commercial multilatéral mondial en vigueur. En effet, en militarisant le système de paiement en dollars américains et le système de messagerie SWIFT, en confisquant ou en gelant les avoirs libellés en dollars américains et en imposant des sanctions, les États-Unis ont miné la confiance dans certaines des principales institutions du système économique de l’après-Seconde Guerre mondiale. le multilatéralisme.

Une image de billets de 100 dollars américains. /CFP

Il est peu probable que l’APEC puisse contribuer directement à résoudre ces problèmes. Les États-Unis sont, à certains égards, devenus un État voyou, en ce qui concerne le système multilatéral mondial. Sa volonté de « faire cavalier seul » – en érigeant des barrières, en militarisant ou en se retirant de la participation – a créé un besoin pour que de nouvelles approches soient envisagées par d’autres nations.

Les efforts visant à parvenir à une coopération transpacifique sur d’autres questions telles que le changement climatique seront probablement confrontés à des défis similaires. La nouvelle administration Trump est hostile à ce que Trump lui-même a qualifié de « canular », à savoir le changement climatique. Les efforts transnationaux visant à coordonner les réponses politiques visant à favoriser la transition vers des systèmes d’énergie propre risquent d’échouer, alors que les États-Unis redoublent d’efforts pour développer leur industrie du pétrole de schiste.

Alors que les États-Unis s’efforcent de contribuer aux défis de coordination et de collaboration liés aux ambitions d’une plus grande ouverture du commerce mondial et d’une transition verte plus juste et abordable, la mondialisation elle-même est susceptible d’être remodelée. La mondialisation qui se déroule actuellement, dans laquelle les États-Unis se sont activement tenus à l’écart, est ambitieuse et exigera que les nations élargissent le dialogue multilatéral plutôt que de le réduire. Le consensus est au cœur de l’éthos diplomatique qui définira la prochaine phase du renforcement des institutions multilatérales.

La 31e réunion des dirigeants économiques de l’APEC sera peut-être entravée par le désengagement effectif des États-Unis, mais elle rassemblera néanmoins les dirigeants de plus de 30 pays. Et ce n’est pas une mince affaire dans un monde en proie à des tensions géopolitiques.

(Couverture via CFP)