Le chantier de construction de la branche Xiong'an de l'hôpital Xuanwu basé à Pékin dans la nouvelle zone de Xiong'an, province du Hebei (nord de la Chine), le 30 septembre 2023. /Xinhua

La modernisation du secteur de la santé en Chine a été marquée par des progrès considérables, portés par les réformes gouvernementales, l’innovation technologique et l’expansion des infrastructures de santé. La transition d’un modèle de santé basique et collectivisé vers un système plus avancé et plus équitable reflète la transformation économique et sociale plus vaste que le pays a connue au cours des dernières décennies.

Le 8 septembre, une circulaire conjointe du ministère du Commerce, de la Commission nationale de la santé et de l’Administration nationale des produits médicaux a annoncé son intention d’autoriser les investisseurs étrangers à gérer des hôpitaux à Pékin, Tianjin, Shanghai, Nanjing, Suzhou, Fuzhou, Guangzhou et Shenzhen, ainsi que sur toute l’île de Hainan. La circulaire souligne cependant que les investisseurs étrangers ne seront pas autorisés à acquérir des hôpitaux publics ou à exploiter des entreprises liées à la médecine traditionnelle chinoise.

La décision d’autoriser la création d’hôpitaux entièrement étrangers dans des villes et régions clés s’inscrit parfaitement dans les objectifs de Healthy China 2030, un plan stratégique visant à élargir l’éventail des services de santé, à promouvoir des modes de vie plus sains et à créer un système de santé robuste d’ici 2030.

Cette décision marque un changement important dans le paysage de la santé du pays. Deuxième économie mondiale et pays d’accueil d’une population vieillissante, le système de santé chinois a été soumis à une pression immense ces dernières années. En ouvrant ses portes aux prestataires de soins de santé étrangers, le gouvernement prend une décision audacieuse et stratégique qui pourrait potentiellement remodeler non seulement le secteur de la santé, mais aussi l’ensemble du climat d’investissement.

Les avantages de cette politique sont évidents. Depuis des années, les citoyens chinois qui en ont les moyens se rendent à l’étranger pour se faire soigner. Des pays comme les États-Unis, le Japon et l’Allemagne sont des destinations de choix pour ceux qui recherchent des soins spécialisés, des technologies médicales de pointe ou des services qui ne sont pas encore largement disponibles dans leur pays. Permettre aux hôpitaux étrangers de créer des établissements en propriété exclusive sur place permet de résoudre ce problème de front en offrant un accès à des soins de santé de classe mondiale sans avoir à effectuer de coûteux voyages internationaux. Cela encourage également les institutions médicales étrangères à proposer directement des options de traitement de pointe à la population chinoise.

Cette décision reflète également les efforts plus vastes déployés par la Chine pour moderniser et réformer son système de santé, qui souffre d’inefficacités, de surcapacités dans les hôpitaux publics et de disparités régionales dans la qualité des soins. L’autorisation donnée aux hôpitaux étrangers de s’installer dans les grands centres urbains comme Pékin, Shanghai, Canton et Shenzhen est une reconnaissance du rôle essentiel que peut jouer l’expertise mondiale pour combler les lacunes de l’infrastructure de santé chinoise. Elle ouvre la voie à une saine concurrence entre les prestataires nationaux et internationaux, ce qui pourrait inciter les hôpitaux locaux à améliorer leurs normes.

Les hôpitaux étrangers apporteront également des modèles de gestion des soins de santé avancés, des systèmes opérationnels modernes et de nouvelles méthodes de soins aux patients qui pourraient profiter aux professionnels et aux institutions médicales chinoises. Cette pollinisation croisée des idées devrait probablement élever le niveau général des soins de santé en Chine, ce qui la rendra plus compétitive à l’échelle mondiale.

Une infirmière travaille à l'unité de soins intensifs néonatals (USIN) d'un hôpital de la ville de Suqian, dans la province du Jiangsu (est de la Chine), le 12 mai 2024. /Xinhua

Ce changement de politique n’est toutefois pas sans poser de problèmes. L’arrivée d’hôpitaux étrangers pourrait intensifier la concurrence, notamment pour les hôpitaux de premier plan des plus grandes villes chinoises, qui attirent déjà la majeure partie des meilleurs talents médicaux.

La question de l’accessibilité financière se pose également. Ces hôpitaux étrangers s’adresseront-ils principalement aux Chinois aisés ou aux expatriés, laissant au citoyen moyen un accès limité aux soins de santé haut de gamme ? Si les hôpitaux étrangers se positionnent comme des prestataires de soins de luxe, ils pourraient aggraver les inégalités existantes en matière d’accès aux soins de santé, ce qui mettrait encore plus à rude épreuve les hôpitaux publics qui continueront de servir la majorité de la population.

Les autorités chinoises devront également aborder avec soin les aspects réglementaires. Il est essentiel de veiller à ce que les hôpitaux étrangers respectent les lois locales, les normes sanitaires et les considérations éthiques pour maintenir la confiance et la sécurité du public. Trouver le bon équilibre entre la surveillance réglementaire et la flexibilité nécessaire pour permettre à ces hôpitaux d’innover sera la clé du succès de cette politique.

Dans le contexte d’une politique économique plus large, l’autorisation d’ouvrir des hôpitaux entièrement détenus par des étrangers est également un signal que la Chine reste déterminée à ouvrir ses marchés, même si l’environnement géopolitique mondial devient plus complexe. Cela démontre que la Chine reconnaît la valeur de l’expertise et des investissements étrangers, non seulement dans le secteur manufacturier ou technologique, mais dans des domaines qui affectent directement la vie quotidienne des gens.

Cette politique, qui semble axée sur les soins de santé, pourrait susciter de nouvelles réformes dans d’autres secteurs, de l’industrie pharmaceutique à la technologie médicale. Elle pourrait également créer des opportunités de collaboration entre les acteurs nationaux et internationaux dans d’autres domaines, notamment la recherche, l’enseignement médical et la télémédecine.

En définitive, la décision de la Chine d’autoriser la création d’hôpitaux entièrement détenus par des étrangers est une mesure audacieuse et opportune pour répondre aux défis auxquels elle est confrontée dans le domaine des soins de santé. Cette décision pourrait apporter des avantages immédiats en termes de qualité et d’accès, mais elle doit être gérée avec soin pour garantir qu’elle ne profite pas seulement aux riches mais à toutes les couches de la population. Si elle est mise en œuvre de manière réfléchie, elle pourrait constituer un tournant dans le parcours de la Chine vers un système de santé plus ouvert, plus moderne et plus équitable, qui pourrait, avec le temps, devenir un modèle pour d’autres pays en développement confrontés à des défis similaires en matière de santé.