Un appareil de communication sans fil dans la main d'un membre du Hezbollah, dont la batterie a été retirée après l'explosion d'un appareil de communication sans fil lors d'un enterrement, à Beyrouth, au Liban, le 18 septembre 2024. /Xinhua

Les téléavertisseurs, autrefois populaires mais aujourd’hui obsolètes, sont restés dans les mémoires pour avoir inauguré la connectivité mobile. Cette semaine, ils ont de nouveau fait parler d’eux lorsque plus de 30 personnes ont été tuées et près de 3 000 blessées dans une série d’explosions de téléavertisseurs au Liban. Ces explosions ont semé la peur dans tout le Moyen-Orient et suscité des inquiétudes dans le monde entier.

Selon MTV Lebanon, les téléavertisseurs auraient été déclenchés à distance. Le Financial Times, citant deux anciens responsables du gouvernement israélien, a avancé deux hypothèses pour expliquer ces explosions. Soit un logiciel malveillant aurait provoqué la surchauffe et l’explosion des batteries au lithium, soit il pourrait s’agir d’une attaque de la chaîne d’approvisionnement, les appareils étant équipés de petites quantités d’explosifs à un moment donné de la chaîne de production.

Citant une source de sécurité libanaise de haut rang, Reuters a rapporté que les services de renseignement israéliens avaient modifié les téléavertisseurs au niveau de la production, en y intégrant un dispositif permettant de déclencher une explosion à la réception d’un code à distance. Cette technologie avancée rendait les explosifs quasiment indétectables, ce qui permettait de déclencher les explosions en quelques secondes.

Que ce soit en contournant la détection ou en déclenchant des explosions à distance, les attaquants ont utilisé la technologie pour atteindre leurs objectifs mortels : placer des explosifs dans des téléavertisseurs, contrôler à distance des milliers d’unités et provoquer des explosions à l’échelle nationale en quelques secondes, entraînant des pertes en vies humaines en masse.

Les restes d'un téléavertisseur explosé dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban, le 18 septembre 2024. /CFP

Paradoxalement, l’usage intensif de téléavertisseurs par le Hezbollah, le groupe armé libanais, est né de préoccupations sécuritaires. Selon le New York Times (NYT), le secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, a accusé à plusieurs reprises Israël d’utiliser les réseaux de téléphonie mobile pour cibler les hauts responsables de ses forces spéciales. Dans un discours télévisé en février, Nasrallah avait exhorté ses partisans à « enterrer » leurs téléphones, les avertissant : « Je vous dis que le téléphone que vous avez entre les mains, celui de votre femme et celui de vos enfants est l’agent. »

Le New York Times, citant des responsables des services de renseignements, a rapporté qu’Israël avait investi des millions de dollars dans le développement de nouvelles technologies permettant de pirater des téléphones, d’activer des microphones et des caméras à distance pour espionner leurs propriétaires. C’est pourquoi Nasrallah a insisté pour que les membres du Hezbollah utilisent des téléavertisseurs pour communiquer. Pourtant, même les téléavertisseurs sont devenus des « armes mortelles ».

Un jour seulement après les explosions de téléavertisseurs, des talkies-walkies utilisés par plusieurs membres du Hezbollah ont également explosé à distance, tuant au moins 20 personnes et en blessant environ 450. D’autres rapports ont indiqué que certains téléphones portables, ordinateurs portables et même panneaux solaires au Liban étaient également devenus des bombes.

Ces incidents mettent en évidence une menace croissante : tout appareil de communication peut potentiellement se transformer en une bombe à retardement.

Des femmes pleurent le cercueil d'un membre du Hezbollah assassiné lors de ses funérailles à Baalbek, dans la vallée de la Bekaa au Liban, le 19 septembre 2024. /CFP

Le progrès technologique est une caractéristique de la civilisation moderne, mais les explosions massives d’appareils de communication au Liban ont porté un coup dur à ce symbole même du progrès technologique.

Le progrès technologique s’est toujours accompagné d’une compétition entre le bien et le mal, la lumière et l’obscurité, le progrès et la régression. Si la technologie peut faciliter la civilisation humaine, elle peut aussi la plonger dans l’abîme. L’énergie nucléaire, par exemple, joue un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique, l’atteinte de la neutralité carbone et l’accélération de la transition énergétique. La technologie nucléaire est essentielle dans des domaines tels que le traitement du cancer, la sécurité alimentaire et le contrôle de la pollution environnementale. Cependant, le potentiel destructeur des armes nucléaires est catastrophique.

Les explosions de téléavertisseurs ont été une attaque menée par des moyens technologiques dont les répercussions ont été si profondes qu’elles ont suscité l’inquiétude de tous. Peut-être comprenons-nous mieux maintenant pourquoi certains pays, dans leur quête de coopération technologique, insistent pour examiner les « portes dérobées » et les « antécédents » des entreprises. Mais si la peur de la technologie continue de croître, l’humanité risque-t-elle de régresser vers une ère d’isolement et de zéro innovation ?

À une époque de changements rapides, nous ne pouvons qu’espérer que la communauté internationale parviendra à un consensus plus large qui permettra à la civilisation d’avancer plutôt que de régresser vers un isolement primitif et une technologie zéro.