Chine-France : un partenariat exigeant et lucratif

La visite du président chinois en Europe a été marquée par une étape importante en France. De Beaulieu-sur-Mer à Paris en passant par Nice, Xi Jinping a pris le temps de rassurer son partenaire français et de signer de nombreux contrats. Les entreprises françaises s’en félicitent et accèdent peu à peu à un immense marché chinois sous le regard d’autorités françaises bien décidées à ne pas brader un savoir-faire français sous prétexte d’obtenir des contrats. La relation Chine-France doit s’équilibrer et les entreprises françaises ont des arguments pour conclure des deals intéressants.
En cette fin mars 2019, la Chine a été mise à l’honneur à l’occasion de la venue du président Xi Jinping et de son épouse en France. L’homme fort de l’Empire du Milieu a consacré plusieurs jours de son voyage en Europe à la France, car il a compris que Paris est un acteur incontournable sur le continent dans l’optique de calmer les critiques imputées aux pratiques commerciales chinoises.
Xi Jinping à la conquête des cœurs européens
Un voyage très politique donc qui n’a toutefois pas empêcher la signature de nombreux contrats entre entreprises françaises et chinoises. Des affaires, mais pas un blanc seing comme l’a déclaré le président Emmanuel Macron : « Nous avons des divergences car l’exercice de la puissance ne va pas sans rivalités et nul d’entre nous n’est naïf. Mais nous respectons la Chine (…) et nous attendons naturellement de nos grands partenaires qu’ils respectent eux aussi l’unité de l’Union européenne comme les valeurs qu’elle porte ».
La relation avec la Chine est toujours compliquée à traiter pour une démocratie occidentale. Les pratiques politiques sont pour le moins très différentes, les ONG attendent des mots et des gestes forts pour dénoncer les violations des droits de l’Homme en Chine, les entreprises sont désireuses de faire du commerce mais sont parfois prises dans un étau chinois qui ne leur laisse guère de marge de manœuvre. Bref, il faut avancer avec prudence et les critiques sur la supposée naïveté de l’Europe et de la France vis-à-vis de la grande puissance asiatique ont plus que jamais incité le président français à adopter un discours bienveillant, mais ferme.
Un message reçu par Pékin à en croire les déclarations de Xi Jinping. « Certes il y a des points de désaccord, de la compétition mais c’est de la compétition positive (…). Nous sommes en train d’avancer ensemble. Il ne faut pas que la méfiance fasse qu’on ne cesse de regarder constamment en arrière », a affirmé le président chinois. Une compétition moins brutale qu’avec les Etats-Unis de Donald Trump et qui prend souvent la forme de partenariats. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, venu spécialement à Paris en compagnie de la chancelière allemande, Angela Merkel, a plaidé en faveur d’une ouverture du marché chinois pour les entreprises européennes au « même degré » que celle du marché européen pour les compagnies chinoises. Un élément central dans la relation à la Chine pour les Européens dont pourraient bien profiter de grandes entreprises françaises déjà implantées ou en cours de positionnement dans l’Empire du Milieu.
Transports et énergie : le duo gagnant de la relation franco-chinoise
La visite de Xi Jinping n’a pas été avare en matière commerciale avec deux domaines particulièrement choyés : les transports et l’énergie. Bien évidemment, la commande de 300 avions Airbus pour un prix catalogue de plus de 35 milliards de dollars a retenu l’attention des médias. Cet énorme contrat illustre le développement du transport aérien en Chine et la place prépondérante occupée par l’avionneur aérien au détriment de son principal concurrent Boeing empêtré dans la crise de son appareil gros porteur 737 Max. La concurrence chinoise dans le domaine aérien n’est pas encore prête et ce sont les usines toulousaines qui profitent à plein des besoins chinois. A une échelle plus petite, l’avionneur chinois Comac a signé un contrat d’une valeur d’environ 40 millions d’euros avec le français Liebherr, spécialiste des équipements aéronautiques. Les relations dans le domaine du transport ne s’arrêtent pas aux seuls avions puisqu’un contrat de 1,2 milliard d’euros a été signé entre l’armateur français CMA CGM et la China State Shipbuilding Corporation pour la fabrication de dix porte-conteneurs.
Autre grand gagnant de la venue de Xi Jinping, le secteur de l’énergie. Un mariage naturel entre une France qui regorge de grands noms dans l’énergie et une Chine dont les besoins ne cessent de croître. Sans surprise, EDF compte parmi les heureux élus avec l’annonce de deux accords de coopération. Le premier a été conclu avec l’électricien Huadian et vise à optimiser les performances du réseau de chaleur et de climatisation dans un quartier de la ville de Wuhan. Un accord d’une valeur d’environ 100 millions d’euros selon les services de l’Elysée. EDF fait encore mieux non pas dans les réseaux, mais dans les énergies renouvelables. Sa filiale spécialisée – EDF Renouvelables – a signé un contrat proche du milliard d’euros (toujours selon l’Elysée) afin de développer deux projets éoliens en mer (Dongtai IV et V). Ces parcs seront situés au nord de Shanghai dans la province du Jiangsu et représenteront une puissance totale de 500 MW.
Avec ce second accord de coopération signé avec la China Energy Investment, EDF Renouvelables complète son arsenal d’énergies vertes en Chine. L’énergéticien français exploite déjà 310 MW dans l’éolien et le solaire en Chine. Un pays considéré comme une cible prioritaire en raison de sa demande croissante en énergie (propre). Le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy n’a pas caché sa satisfaction après la signature d’accords qui « consolident les positions d’EDF en Chine, un pays stratégique pour le développement international du Groupe. EDF y est aujourd’hui présent dans tous ses principaux métiers, qui sont autant de leviers pour accompagner les ambitions énergétiques de la Chine et la réduction de ses émissions de CO2 : le nucléaire, les renouvelables et les services énergétiques ».
Les pouvoirs publics chinois se saisissent du problème de la pollution et ont compris que les énergies renouvelables représentaient un marché à l’exportation au très fort potentiel. Ainsi, en quelques années, la Chine est devenue le leader mondial incontesté des panneaux solaires notamment en raison de sa politique de prix extrêmement agressive. Une stratégie contre laquelle les Européens se battent désormais et qui fait écho à la volonté d’Emmanuel Macron « de trouver un cadre multilatéral rénové, plus juste, plus équilibré ». La Chine a conquis à la hussarde une partie des EnR, mais n’est pas omnipotente comme le prouvent les accords signés avec Quadran et Fives pour des projets verts d’une valeur respective d’1,5 milliard d’euros et 1 milliard d’euros. Enfin, Schneider Electric tire le gros lot avec des projets de modernisation de complexes en Chine et au Moyen-Orient du géant chinois Power Construction Corporation. Montant estimé de la transaction : six milliards d’euros.
Un chiffre dans la même veine que celui du protocole d’accord signé entre la BNP Paribas et la Bank of China qui doit permettre à la banque française de s’assurer une présence sur le marché obligataire chinois. Cet accord dans la finance est une concession qui illustre les efforts de la Chine pour s’ouvrir un peu plus dans un domaine jugé sensible. Une bonne nouvelle qui est toutefois passée en arrière-plan avec la décision chinoise d’en finir avec l’embargo sur la volaille française. Un marché qui s’était brutalement fermé aux exportateurs français avec la grippe aviaire de 2015. Pékin revient sur cette décision et envoie un signe plus politique qu’économique afin de rassurer des autorités françaises plus soucieuses que jamais de défendre au mieux les intérêts de ses entreprises nationales.