Démocratisation en ex-URSS : les bons et les mauvais élèves

Les promesses de démocratie nées de la chute de l’URSS ont fait long feu en Russie et chez certains de ses alliés et voisins. Mais d’autres pays de l’ancien bloc soviétique, à l’image du Kazakhstan et de la Géorgie, semblent tirer leur épingle du jeu et avancent, bon an mal an, vers des standards démocratiques à l’européenne.
Good Bye Lenin ! Mais pas vraiment, dans les ex-pays de l’Union soviétique, « welcome to democracy »… Si, au lendemain de la chute du mur de Berlin et de l’effondrement de l’URSS, l’idée de démocratie a rapidement essaimé en Russie et dans ses anciens satellites, la Fédération a, depuis une grosse vingtaine d’années, été le théâtre d’une forme de faillite démocratique. Une fuite en avant autoritaire qui semble atteindre son point culminant avec l’invasion de l’Ukraine par les forces russes, l’isolement de plus en plus manifeste de Vladimir Poutine et la répression des droits civiques dans le pays. Non que la Russie soit le seul pays concerné par ces dérives : certains États de l’Union européenne (UE), pourtant considérée comme un havre de démocratie, fraient ainsi de plus en plus dangereusement avec l’illibéralisme, à l’image de la Pologne ou de la Hongrie. Qu’en est-il des pays de l’ex-URSS ?
En Biélorussie, le dernier dictateur d’Europe sévit toujours
Voisin direct de la Russie, le Bélarus demeure, trente ans après la chute de l’Union soviétique, l’otage et la chasse gardée du dernier autocrate d’Europe : Alexandre Loukachenko. Au pouvoir depuis vingt-huit ans, le président biélorusse a été réélu en août 2020 au terme d’un simulacre d’élection qui l’a vu remporter plus de 80% des voix. Une mascarade électorale dont étaient exclus les principaux opposants au pouvoir, qui ont revendiqué la victoire, et qui n’a pu être observée par des journalistes étrangers, interdits d’entrer sur le territoire. Plusieurs milliers de manifestants étaient alors descendus dans les rues de Minsk et des grandes villes du pays, faisant s’abattre sur eux une féroce répression armée. Si Loukachenko avait un temps semblé, pour calmer les foules, vouloir prendre ses distances avec Moscou, il a désormais pleinement ramené son pays dans les bras de Vladimir Poutine, qui a pu sans objection aucune masser ses troupes en Biélorussie avant d’attaquer l’Ukraine voisine.
Ukraine, l’élan démocratique brisé
L’Ukraine, justement, avait avant d’être envahie et bombardée par l’armée russe, entamé un difficile mais remarqué parcours vers une démocratisation à l’occidentale. Depuis la révolution de Maïdan en 2014, le pays a résolument choisi de regarder vers l’Europe. Non sans achopper, parfois durablement, sur de considérables problèmes : corruption endémique, incapacité à réformer, prééminence des élites de l’ancien régime dans la conduite du pays, etc. Élu sur un programme anti-corruption, Volodymyr Zelensky était, avant de s’imposer en chef de guerre, critiqué à juste titre sur la timidité de ses efforts en la matière. En dépit de ses imperfections, le processus démocratique à l’œuvre en Ukraine faisait, jusqu’aux derniers jours du mois de février dernier, figure d’exception au sein de l’espace post-soviétique – et c’est en partie cette aspiration démocratique pro-Europe d’une partie du peuple ukrainien que Vladimir Poutine tenait tant à briser.
Au Kazakhstan, les réformes à bon train
Mais l’idée de démocratie semble progresser, jusqu’en Asie centrale. Ainsi au Kazakhstan où, après les émeutes de janvier, un important train de réformes a été consolidé par le président Kassym-Jomart Tokayev. Des réformes enclenchées dès 2020 qui, loin de s’interrompre une fois le calme revenu, devraient encore s’intensifier, ont promis les autorités. « Le népotisme, dans quelque pays que ce soit, conduit inévitablement à une mauvaise sélection du personnel et devient un terrain fertile pour le développement de la corruption », a ainsi lancé M. Tokayev, élu en 2019 à la suite de la démission de Noursoultan Nazarbaïev, qui était resté au pouvoir pendant trois décennies. L’ancien président a ainsi dû abandonner les pouvoirs qu’il exerçait encore au sein du conseil de sécurité et plusieurs de ses proches ont été limogés, voire arrêtés car soupçonnés de corruption. Parmi les nombreuses réformes promises ou d’ores et déjà actées figurent ainsi la limitation des pouvoirs du président, le renforcement du parlement, avec un modèle mixte proportionnel majoritaire, la facilitation de l’enregistrement de nouveaux partis politiques par l’abaissement du nombre de membres nécessaires, le passage du quota présidentiel au Sénat de 10 à 5 membres et enfin une plus grande liberté accordée aux médias. Pour Kassym-Jomart Tokayev, « l’objectif clé de la modernisation politique du pays est d’accroître le rôle des citoyens dans le gouvernement de l’État par le biais des processus électoraux ». Le processus de démocratisation au Kazakhstan semble donc poursuivre son chemin, d’autant plus remarquablement que le pays demeure sous le regard scrutateur du Kremlin.
La Géorgie, le bon élève de l’ex-URSS
Elle aussi cernée par les régimes autoritaires et vivant sous la menace permanente d’une intervention russe, la Géorgie se distingue par son volontarisme en matière de promotion de la démocratie. Depuis 2020 par exemple, un parti n’a plus besoin que de 1% des voix pour faire son entrée au parlement, contre 5% auparavant, et la loi oblige à ce qu’au moins 25% de femmes y soient élues. Les médias sont devenus pluralistes avec les années, permettant une libération de la parole contre les autorités. La lutte contre la corruption porte aussi ses fruits, la Géorgie surpassant ses voisins en la matière. Autant d’efforts que salue l’ancien député Tedo Djaparidze, selon qui « le renforcement de notre démocratie nous a permis de développer d’étroites collaborations avec de nombreux autres États démocratiques dans le monde ». En dépit des soubresauts et de la force d’inertie qui émane du Kremlin, certains pays de l’ex-URSS « progressent » donc, en ordre dispersé mais résolument, vers des standards démocratiques à l’occidentale.