La Grèce se défait (un peu) de la charia

La Grèce se défait (un peu) de la charia

C’est un jugement quelque peu curieux, mais ô combien important qu’a dû rendre la Cour européenne des droits de l’homme. Saisie par une veuve grecque, la plus haute autorité juridique européenne lui a donné raison dans une histoire de succession. Déshéritée d’une grande partie de ce que lui avait laissé son défunt mari, la veuve a contesté une décision qui s’appuie sur la… charia. La Grèce a été condamnée par la CEDH pour avoir fait passer la loi islamique avant la loi commune à tous les Grecs quelque soit leur religion.  

Connue pour sa ferveur orthodoxe, la Grèce n’abrite pas moins quelques communautés musulmanes historiques. Celle de Thrace occidentale fait aujourd’hui la Une de l’actualité en raison d’un jugement arrêté par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette région sous domination ottomane jusqu’à la Première Guerre mondiale est passée dans le giron grec. Athènes a alors accepté que la justice civile soit rendue selon la charia pour les membres de la communauté musulmane.

Un siècle plus tard, une veuve a été dépossédée des trois quarts de l’héritage légué par son mari au motif que les deux sœurs avaient le droit de lui prendre cette part selon la loi islamique. Malgré le testament laissé par le défunt faisant de sa femme l’unique héritière de ses biens, la justice grecque a jugé que les Traités de Sèvres et de Lausanne (1920 et 1923) établissaient la suprématie de la charia dans cette affaire. La décision vient d’être annulée par la Cour européenne des droits de l’homme qui estime que « Les traités de Sèvres et de Lausanne ne font pas obligation à la Grèce d’appliquer la charia ». La Cour qui siège à Strasbourg a motivé à plusieurs reprises sa décision évoquant notamment l’inégalité entre hommes et femmes issue de la Charia et qui est incompatible avec le droit grec et européen.

Autre motif, le défunt avait dans son testament spécifié qu’il voulait que la succession entre dans l’ordre juridique grec et non religieux. En acceptant la requête des deux sœurs, la justice grecque a « refusé aux membres d’une minorité religieuse le droit d’opter volontairement pour le droit commun et d’en jouir non seulement aboutit à un traitement discriminatoire ». Cela « constitue également une atteinte à un droit d’importance capitale dans le domaine de la protection des minorités, à savoir le droit de libre identification ».

Consciente de ce problème, la Grèce a adopté une loi le 15 janvier dernier qui abolit l’obligation de recourir à la charia pour régler un différend familial au sein de la communauté musulmane. Si une des parties n’est pas d’accord avec un règlement sous le régime de la loi islamique, c’est alors le droit civil grec qui doit s’appliquer automatiquement.

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