Vers une rencontre Xi Jinping – pape François au Kazakhstan ?

Les deux dirigeants se trouvent simultanément à Nur-Sultan, la capitale kazakhe. Si une rencontre entre le pape et le président chinois demeure hypothétique, l’Histoire pourrait néanmoins s’écrire très bientôt, alors que l’Asie centrale est l’objet d’une lutte d’influence entre grandes puissances.
Le pape et le président chinois sur la même photo ? Improbable, l’évènement – car c’en serait bien un, les relations diplomatiques entre Pékin et le Saint-Siège étant rompues depuis 1951 – pourrait bientôt se produire au Kazakhstan. Hasard du calendrier, François et Xi Jinping se trouveront tous deux simultanément à Nur-Sultan, la capitale kazakhe, le 14 septembre. Le premier, dans le cadre du VIIe Congrès des dirigeants des religions mondiales, un sommet interreligieux prévu de longue date, qui se tient au Kazakhstan du 13 au 15 septembre ; le second, à l’occasion d’un déplacement politique et commercial qui sera aussi la première visite à l’étranger du dirigeant chinois depuis le début de la crise sanitaire mondiale. Si les deux chefs d’État se trouveront donc bien à quelques encablures l’un de l’autre, rien ne dit, pour l’heure, qu’ils en profiteront pour se rencontrer – et encore moins devant les caméras du monde entier.
Une rencontre improbable mais pas impossible
« Une telle rencontre (..) paraît improbable, mais pas impossible », estime ainsi dans La Croix le théologien et anthropologue Michel Chambon. Car si le pape et le président chinois ont bien évidemment des intérêts divergents, une rencontre pourrait aussi servir leurs agendas respectifs : François « rêve d’un rapprochement avec la Chine, croit savoir Michel Chambon. Le président chinois peut quant à lui se servir d’une telle rencontre comme une preuve du renforcement de la Chine sur le plan international ». Alors que les deux parties négocient actuellement le renouvellement, sensible, de l’accord sur la nomination des évêques catholiques dans l’empire du Milieu, qui arrive à échéance en octobre 2022, une telle entrevue, même brève, pourrait contribuer à apaiser les tensions entre le Vatican et Pékin.
Car, rappelle encore Michel Chambon, « la méfiance entre la Chine et le Saint-Siège est assez forte » et elle ne date pas d’hier. Lors de sa visite à Rome en 2019, Xi Jinping avait ainsi soigneusement évité de se rendre au Vatican, où les problématiques liées au sort de Hong-Kong ou à celui de la minorité Ouïgour représentent autant de sujets de tensions. Par ailleurs, le pape François est, du côté chinois, volontiers perçu comme un agent de l’influence occidentale face aux régimes autoritaires de Pékin ou Moscou. Enfin, si une éventuelle rencontre entre les deux hommes est explicitement souhaitée par certains conseillers du pape, le président chinois n’a, objectivement, que peu d’intérêt à consentir à une telle entrevue, son voyage au Kazakhstan étant avant tout motivé par de bien plus impérieuses nécessités économiques et géopolitiques.
Le Kazakhstan, havre d’un « véritable atelier de paix » entre religions – et entre nations ?
Véritable pont commercial entre l’Orient et l’Occident, le Kazakhstan est d’une importance stratégique pour les autorités chinoises et singulièrement pour leurs projets de nouvelles routes de la soie. Locomotive économique d’une région centre-asiatique où se croisent et s’entrechoquent les intérêts occidentaux, chinois et russes, le Kazakhstan est aussi le premier producteur mondial d’uranium et l’un des premiers producteurs de gaz et de pétrole, ainsi qu’un point de passage obligé pour les marchandises chinoises en transit vers l’Europe. En d’autres termes, la zone est le théâtre d’une féroce guerre d’influence entre grandes puissances, d’autant plus convoitée que l’offensive russe en Ukraine a fait voler en éclat les anciens équilibres géopolitiques hérités de l’après-guerre froide ; Xi Jinping se rendra d’ailleurs, juste après son déplacement à Nur-Sultan, en Ouzbékistan voisin pour assister à un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), en présence de Vladimir Poutine.
Disputé par les grands de ce monde, le Kazakhstan, qui cultive une tradition, si ce n’est de neutralité, du moins de diplomatie multilatérale, et dont le président, Kassym-Jomart Tokayev, est lui-même un ancien diplomate de carrière, apparaît donc comme une forme de pays tiers dont le caractère neutre favoriserait une hypothétique rencontre entre le pape François et Xi Jinping. Souhaitant faire du sommet interreligieux un « véritable atelier de paix », Mgr José Luis Mumbiela Sierra, président de la Conférence épiscopale du Kazakhstan, a récemment rappelé que le pays « a voulu que l’harmonie entre les différentes religions, ainsi que l’unité entre différents groupes ethniques, soient les piliers sociaux de la construction d’un pays prospère. (…) La tenue même de congrès de chefs religieux mondiaux dans la capitale du Kazakhstan (…) est un signe clair qu’il ne s’agit pas seulement d’une idée pour notre pays mais d’une conviction (…) : c’est la voie à suivre pour tous les pays, pour la paix dans le monde ». Le message parviendra-t-il aux oreilles de Xi Jinping ? Réponse demain.