La Corée du Sud et le Vietnam renforcent leurs relations

La Corée du Sud et le Vietnam renforcent leurs relations

Si les relations économiques et touristiques entre Séoul et Hanoï sont au beau fixe, elles ne doivent pas éclipser les tragiques évènements commis pendant la guerre du Vietnam.

Lune de miel au pays du Matin calme : en Asie du Sud-Est, le Vietnam et la Corée du Sud ne cessent de consolider leurs relations bilatérales, selon la plupart des indicateurs économiques. Depuis l’an 2000, les échanges commerciaux entre les deux pays ont ainsi été multipliés par 34, atteignant en 2018 le record de 62,6 milliards de dollars. Selon les participants à un récent sommet commun portant sur la robotique, l’objectif est de porter le commerce bilatéral à 100 milliards de dollars d’ici à 2020.

Des relations au beau fixe

Depuis 2014, Séoul a en effet dépassé Tokyo et se hisse au premier rang des partenaires de Hanoï en termes d’investissements, mais aussi au deuxième en matière d’aide publique au développement et au troisième sur le plan du commerce, derrière la Chine et l’Union européenne, les entreprises sud-coréennes ayant investi au Vietnam quelque 64 milliards de dollars dans près de 8 000 projets. Depuis 2007, le géant Samsung a ainsi investi près de 10 milliards de dollars au Vietnam, où ses usines ont produit 150 millions de smartphones. Quant à son concurrent LG (lui aussi coréen), le groupe ambitionne de produire dans le pays 11 millions de téléphones par an.

Il n’y a pas que sur le plan industriel que les relations entre les deux pays sont au beau fixe. Le secteur du tourisme se porte, lui aussi, très bien, comme en témoignent les derniers chiffres publiés en mai par l’Organisation coréenne du tourisme. Au cours du seul premier trimestre de l’année 2019, plus d’un million de touristes sud-coréens se sont ainsi rendus au Vietnam, un chiffre en hausse de 24,4 % par rapport à l’année précédente. Après avoir franchi le cap du million de visiteurs annuels en 2015, le Vietnam, misant sur la diversité de ses services à bas coût, vise cette année les 4 millions de touristes sud-coréens.

Le lancinant tabou des Lai Dai Han

Lors de leur périple vietnamien, il est pourtant peu probable que ces contingents de visiteurs coréens entendent parler d’un autre sujet qui les unit, tragiquement cette fois, à leurs hôtes : celui des viols de masse commis par les soldats sud-coréens lors de la guerre du Vietnam, quand entre 1964 et 1973 plus de 300 000 d’entre-eux se battaient dans le pays en flammes aux côtés des forces américaines. Un véritable tabou, qui persiste plusieurs décennies après la fin officielle des hostilités sur la péninsule.

Si la mémoire de ces atrocités s’est dissoute dans le temps, les enfants nés de ces unions forcées — ainsi que leurs mères — sont, eux, toujours bien vivants. Les « Lai Dai Han », ces enfants de « sang-mêlé », vivent depuis leur naissance honteuse une existence de réclusion, aux marges de la société vietnamienne, empreinte d’une morale confucéenne les reléguant dans les oubliettes de l’Histoire, et les privant de tout avenir. Ignorées dans leur propre pays, ces 5 000 à 30 000 victimes innocentes de la barbarie de la guerre sont également niées par la Corée du Sud.

En dépit des preuves accablantes, et des témoignages de nombreuses Vietnamiennes victimes de ces viols de masse encore en vie, Séoul refuse encore et toujours de reconnaître sa responsabilité en tant qu’État dans ces crimes. Si le président coréen, Moon Jae-in, a bien « exprimé ses regrets pour la triste histoire (liant) les deux pays », le compte n’y est pas pour les représentants des sociétés civiles vietnamienne et coréenne.

En avril dernier, des avocats des deux pays se sont ainsi réunis à Séoul, où ils ont conjointement appelé les autorités à briser le tabou des crimes de guerre et entamé leur devoir de mémoire. « Trouver la vérité sur les massacres de civils commis pendant la guerre du Vietnam est indispensable pour le respect des droits de l’homme et la paix, a notamment déclaré le leader de l’Association du Barreau de Séoul. Cela renforcera également les liens futurs entre la Corée et le Vietnam, leur permettant de développer leurs relations sur la base d’une vérité historique » unanimement partagée.

Une manière de rappeler que la paix durable ne se bâtit pas qu’à coups de dollars, mais, aussi, en assumant sans tabou les erreurs du passé.

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