Crise en Ukraine : les routes de la soie compromises ?

Les routes de la soie, reliant la Chine à l’Europe occidentale par la route et par voies ferrées (Kazakhstan etc.), sont menacées par le conflit russo-ukrainien. Un contournement de la zone de conflit est possible, mais le risque existe que les clients européens et leurs fournisseurs chinois renoncent à la voie terrestre, le temps que la crise se tasse. Sachant que le transport maritime est pour l’instant toujours sous tension, tant au niveau des délais que des tarifs…
Les fameuses routes de la soie, auxquelles la Chine consacre tant d’énergie -et d’argent- depuis des années, afin de proposer à ses clients européens une option de livraison beaucoup plus rapide que la voie maritime tout en restant abordable, sont menacées. Que ce soit le fret transporté en camion, ou celui parcourant les 11000 km de voies ferrées qui relient la Chine à l’Europe, le conflit russo-ukrainien risque de bloquer durablement ces voies de circulation.
Le Kazakhstan, au cœur des routes de la soie
Pour le transport par la route, la voie « royale », jusqu’ici, consistait à traverser de part en part le Kazakhstan, en empruntant des autoroutes flambant neuves tracées à travers la steppe, ralliant la Chine à la Russie en passant par la capitale du pays, Nur-Sultan. Les sanctions internationales à l’encontre de Moscou allant chaque jour grandissant, le risque que les camions transitant par la Fédération de Russie soient interdits d’accès dans l’Union européenne, aux frontières de la Pologne, est patent. Les camions pourraient tenter de contourner la mer Caspienne, au Sud, mais il leur faudrait alors traverser la Géorgie, toujours en froid avec Moscou, puis passer par la Turquie, alors même que Recep Erdogan a fermement condamné l’intervention russe en Ukraine.
La voie ferroviaire est tout aussi menacée par la crise. Partant de Wuhan ou de Chongquing, elle permet d’atteindre toute l’Europe en une quinzaine de jours, contre 10 à 12 en camion, et 45 à 60 par voie maritime. Le tout à des prix de plus en plus abordables, en tenant compte du temps gagné par rapport au transport en cargo, qui n’est pas exempt d’aléas. Pendant la pandémie, le transport ferroviaire Chine-Europe a d’ailleurs vu son trafic bondir de plus de 60 %, quand le trafic maritime était lui en partie paralysé par la crise sanitaire.
Là encore, cette voie traverse de part en part le Kazakhstan, toujours en passant par la capitale Nur-Sultan, pour aller jusqu’à Moscou. Avec le même risque que les trains russes soient demain bloqués aux frontières de l’Union européenne, comme le sont déjà les avions, interdits de survol.
Les routes de la soie, provisoirement à l’arrêt ?
Reste alors l’option du transport multimodal, combinant voie ferroviaire, voie maritime, et transport routier, avec à la clef une augmentation de cinq jours en moyenne du temps de trajet. Cette voie présente en prime l’avantage de permettre de contourner la Géorgie, le fret transitant du port d’Aktau, au Kazakhstan, à Bakou, en Azerbaïdjan, en traversant la mer Caspienne. Fret qui peut ensuite être livré à des clients du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord, sans avoir transité par l’Europe.
Il n’empêche : le conflit opposant la Russie à l’Ukraine est un sacré coup dur pour les routes de la soie, sur lesquelles Pékin misait énormément ces dernières années pour proposer une nouvelle voie d’échanges économiques entre la Chine et l’Europe. Leur neutralisation partielle ou totale va impacter tout l’écosystème des transporteurs publics et privés des différents pays traversés, et en particulier du premier et du plus grand d’entre eux sur cette route, en l’occurrence, le Kazakhstan. Des transporteurs qui avaient beaucoup investit ces dernières années pour accompagner le développement des routes de la soie…